« Le Roi des Hyènes », ou le roi du silence

En novembre dernier je vous lisais un extrait des Nocturnes de Tess Corsac. Point sur son dernier roman, Le Roi des Hyènes.

Nombreux sont les romans de fictions voués à véhiculer des messages importants ou à aborder des thématiques dures. Certaines sont cependant délicates à restituer. J’aimerais alors parler d’un roman fantastique à suspense qui parvient à livrer un récit authentique malgré la difficulté de sa thématique : Le Roi des Hyènes de Tess Corsac, sorti le 26 mars 2021.

« Je le vois. Ce lambeau de brume, ce nuage trapu qui galope entre les broussailles, tapi dans mes angles morts. Le monstre brouillardeux est revenu. »

Le Roi des Hyène, p. 5.

Tess Corsac déploie son intrigue tout en finesse dans une ambiance troublante. Le protagoniste répond au nom d’Almire, un jeune adolescent de quinze ans qui évolue dans les Confins : quatre villages, ceints d’un mur que personne ne peut franchir avant sa majorité. Les bébés y viennent au monde avec, sur la poitrine, un Machaon, un gardien chargé de les accompagner jusqu’à leur majorité en les protégeant des émotions négatives. Ils protègent aussi les enfants de l’obscurité car ici, les ténèbres sont peu sûres – surtout lorsqu’on a perdu son Machaon. Voilà le secret qui pèse sur Almire, privé de sa protection et maintenant traqué par un monstre de brume au cœur de l’obscurité. Muré dans le silence, incapable de dénoncer celui qui le lui a volé, l’adolescent va découvrir qu’il n’est pas le seul à mener ce combat, à faire face à ses émotions et à avancer sans la précieuse protection de son Machaon. Ensemble, lui et ses allié∙e∙s élaborent un plan pour vaincre le silence et faire tomber leur « cueilleur », celui qu’ils appellent le Roi des Hyènes.
Il est difficile de résumer ce roman sans trop en dévoiler, alors je m’en tiendrai là.

« Avec toute cette lumière, imposible de voir le nébuleux, mais je le sens, sous ma peau. Il est aux aguets, prêt à mordre si mon aveu va trop loin. »

Le Roi des Hyènes, p. 55.

Après avoir lu Les Nocturnes qui recelait déjà une grande force, Le Roi des Hyènes m’a frappée encore plus durement. Classé comme roman jeunesse, celui-ci convient pourtant parfaitement à des lecteurs plus âgé∙e∙s. Si Le Roi des Hyènes vise d’abord à rendre accessible aux plus jeunes des thématiques très dures, celles-ci se dévoilent aussi de manière brute sous le regard avisé des plus vieux. La force de l’autrice réside à la fois dans la réflexion qu’elle suscite, les émotions qu’elle provoque mais surtout, dans les personnages qu’elle dépeint. Tous et toutes attachants, ils présentent chacun∙e une personnalité propre qui s’affirme dans la diversité de leurs attitudes et de leurs choix. Tess Corsac brosse une palette d’émotions tout en nuance sans pour autant que le lecteur sente peser sur lui la morale d’une attitude type à adopter. Les choix s’entremêlent, tout comme les erreurs : pas de prétendue perfection, les adolescents gèrent le silence comme ils peuvent sous le poids du secret.

« J’ai digéré depuis longtemps qu’une tripotée de bobards se cachent sous les Confins. Je m’y suis habitué. Après tout, je verrai bien à ma majorité ce qui se trame derrière la clôture. »

Le Roi des Hyènes, p. 68.

La thématique délicate et inhabituelle au cœur du roman est abordée avec beaucoup de mesure, sans pour autant effacer la cruelle réalité qu’elle représente, ni brandir une solution miracle. On parle d’adolescent∙e∙s à la fois en découverte de soi et en pleine guérison ; on parle de haine, de douleur, d’envie de vengeance aussi et de la difficulté à briser le silence, le tout avec beaucoup de douceur malgré tout, dans un roman à la fois triste et beau. Pas de gommage de la réalité, comme je l’ai dit, la joie et la défaite vont de pair. Le∙la lecteur∙ice se retrouve donc face à des adolescent∙e∙s sensibles mais déterminés, en proie à leurs angoisses, mais pas démunis pour autant, qui trouvent le courage d’avancer dans la force du groupe. La restitution de la thématique est brillamment réussie grâce à l’univers fantastique qu’on découvre avec plaisir et qui évoque des questionnements cruciaux à travers des métaphores bien dosées.

« Tout ça, murmure Colin, tous ces poisons pour l’âme… ça nourrit la furie. Si tu te laisses dominer par tout ce que ton esprit peut produire de pourri… elle te croque. »

Le Roi des Hyènes, p. 99

Le roman de Tess Corsac est donc pour moi une belle preuve du pouvoir que peut détenir la littérature et s’inscrit avec évidence parmi les œuvres qui savent traiter de thématiques délicates avec sensibilité. Certes les plus jeunes sauront s’y identifier mais ce roman a aussi beaucoup à apprendre aux adultes. L’autrice libère habilement le dialogue : le message fait mouche et Le Roi des Hyènes s’illustre alors comme un roman capable de véhiculer un récit haletant et poignant. Je vous laisse le découvrir.

Tess Corsac : « J’ai choisi ce thème parce que le  »silence-poison » est une thématique très peu traitée, surtout pour les jeunes, et que la fiction est un moyen de contourner un tabou qui limite le dialogue à ce niveau. »

Chronique – Les Nocturnes : https://soundcloud.com/unimixfr/unimix-marque-page-les-nocturnes-15112020-amelie?in=unimixfr/sets/marque-page

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