FriScènes 2023 – Ici jouera Zarathoustra!
Un mariage entre théâtre et philosophie, ce ne serait pas la première fois que ça arrive… et pourtant, ce spectacle-là est un mélange bien particulier. Plongeons-nous dans une production théâtrale singulière qui explore Nietzsche à sa manière : après tout, pourquoi parler quand on a un corps que l’on peut mouvoir ?
Cette année, dans le cadre du concours du festival FriScènes, s’est produite la Troupe Zara dans une pièce qui porte le nom de « Ici jouera Zarathoustra ! ». Si vous êtes un amateur de philosophie, ce nom vous rappellera sans doute quelque chose : et pour cause, la pièce fait directement référence à l’ouvrage phare de Nietzsche « Ainsi parlait Zarathoustra ». Alors en quoi peut bien consister une pièce avec un tel nom ? Laissez-moi vous y emmener.
Les lumières dans la salle s’éteignent, les projecteurs de la scène s’allument. Un à un les comédiens entrent sur la scène, en silence, puis s’immobilisent. Bientôt, le spectacle commence.
Le projet vise à faire du théâtre de mouvement, dans lequel le texte n’a que peu de place et les corps occupent tout l’espace. Ce que ça raconte, vous l’aurez deviné, ce sont les concepts de la philosophie de Nietzsche. Le principe de la pièce consiste à parler philo juste en utilisant du mouvement. Bien entendu, tout ça est très abstrait et contemporain. Cela donne lieu à un spectacle étrange bien qu’hypnotisant, devant lequel on ne sait pas toujours où se placer. Les comédiens forment un groupe uniforme : chacun vient avec sa morphologie mais tous sont habillés de noir et se privent de temps à autre de leur identité en portant un masque. La troupe fait appel à pleins de procédés divers et variés pour partager ses idées et émotions : effets de groupe, variations de rythme, pauses, miroitages, mouvements désynchronisés, ombres chinoises ou autres jeux de lumière. Parfois, le public a quand même le droit à un peu de texte, tiré directement du livre de Nietzsche.
En face de ce spectacle, un nombre incalculable d’interrogations peuvent surgir. Bien heureusement, au détour d’un bord de scène certaines de ces questions ont pu être élucidées. Un bord de scène, dans le monde du théâtre, désigne un moment encadré, après un spectacle, durant lequel les comédiens, et généralement leur metteur ou metteuse en scène, s’installent au bord de la scène et se mettent à disposition du public pour répondre à leurs questions. Un questionnement qui me semble à la fois pertinent et passionnant, c’est celui de savoir comment se prépare une telle pièce de théâtre.
À l’occasion de cet échange entre le public et la troupe, j’ai pu en apprendre un peu plus sur l’élaboration de la pièce. Le projet a été mis sur pied par une étudiante de Master en philosophie à l’Université de Lausanne passionnée de théâtre. Elle a réuni à ses côtés neuf autres étudiants qui ne se connaissaient pas avant le projet et c’est tout ce qu’il a fallu pour que la Troupe Zara naisse.
Pour en arriver au résultat final, la pièce a été créée en trois grandes étapes. Dans un premier temps, il a fallu apprendre aux comédiens comment on fait du théâtre avec son corps. Pour ça, la metteuse en scène a proposé une grande variété d’ateliers visant à découvrir, explorer et s’approprier les différentes techniques du théâtre de mouvement. Une fois que ces techniques étaient maîtrisées, les comédiens ont pu les exploiter dans des ateliers d’improvisation thématiques sur les différentes notions de la philosophie de Nietzsche. Au fur et à mesure des exercices, il n’y avait plus qu’à choisir parmi les propositions des comédiens, filer les scènes entre elles et établir une chronologie. Voilà, l’essence du spectacle est née et il ne reste plus qu’à solidifier le tout.
Même si ce genre d’expérience n’est clairement pas faite pour tout le monde, elle reste très intéressante à vivre en tant que spectateur. Les comédiens forcent l’admiration par leur qualité d’écoute exceptionnelle puisque, même si le spectacle suit un fil rouge établi, il reste une grande part qui est laissée à la spontanéité et à l’improvisation. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, qu’on saisisse toutes les petites subtilités ou qu’on n’y pige que dalle, ce qui est sûr, c’est que « Ici jouera Zarathoustra ! » a eu le mérite de proposer quelque chose qu’on ne voit pas tous les jours.
Sarah Alili
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Tout juste sorti.es des Teintureries, trois comédien.nes émergent.es, Aline Bonvin, Philippe Annoni et Jérémie Nicolet, se sont produit.es à Friscènes le 9 octobre. Leur spectacle Playlist a été sélectionné dans le cadre du Prix de la Relève suisse romande et créé spécialement pour le festival. Retour sur un spectacle musical.
Le public entre. Sur scène, un piano, un bocal plein de billes : c’est tout. Ils sont trois, deux comédiens et une comédienne, vêtu.es de combinaisons semblables – l’un rouge, l’autre vert, la troisième bleue – en plein échauffement à vue. Les articulations craquent. Ça discute.
« – Quelle musique pour la fin du monde ?
– Sparkles, de Radwimps ! »
Ils jouent au « jeu de la musique ». L’un pose une question, les deux autres doivent répondre. Quelle musique pour ton enterrement ? Et pour ton mariage ? Et pour ton meilleur petit-déjeuner ? On débat, on se contredit et parfois on se retrouve. Le trio s’amuse, chauffe sa voix ; bruit de fond tandis que les gradins se remplissent. Puis le public se tait, et alors c’est le show : à fond la musique, les lumières multicolores et les chorégraphies.
L’idée est venue d’une musique en particulier, une musique qui en a amené une autre, puis une autre, et ainsi de suite… une Playlist autour de laquelle le spectacle s’est construit. On nous emmène, de manière frénétique, au travers des classiques de la chanson françaises, de J-Pop et des tubes iconiques des années 2000. Les comédien.es évoluent sur scène avec folie, dansent, lancent musique après musique, évoquent les rêves qui les relient et les émotions qui les remuent – avec en fil rouge, leurs souvenirs.
Car Playlist parle bien de ça, de musique et d’émotion. D’une musique qui peut, dans ses paroles et sa mélodie, faire écho en chacun de nous. Un écho qui rebondit différemment, qui mue et se construit, une réponse plurielle au départ d’un même son. Cette richesse, ils l’explorent, jouent avec et sollicitent même le public : si votre plus grand amour revenait, après que vous ayiez tiré un trait et continué votre route, s’il était là, sur votre pallier, et qu’il vous disait avoir tout quitté pour vous… quelle musique auriez-vous en tête ?
On est presque déçu que le spectacle ne dure pas plus longtemps, mais c’est que le jeu avec le public est intelligemment mené et le temps passe vite. Playlist est un spectacle drôle et touchant, qui provoque le rire et, l’air de rien, tout à la fin, nous touche en douceur. Une musique parle de tout, des moments de joie comme de tristesse ; elle peut évoquer le passé, les erreurs, les regrets. Les moments sombres qui, d’une manière ou d’une autre, nous ramèneront à ce qui nous rend humains, sans pour autant nous enlever l’espoir. Et ça, Playlist le retranscrit bien.
Retrouvez Aline Bonvin, Philippe Annoni et Jérémie Nicolet sur leurs réseaux.
Le résumé donné par Friscènes, c’est ici.
Il n’y a pas de prochaine date connue pour ce spectacle. L’actualité des comédiens et la poursuite de ce spectacle est à suivre.
Amélie Gyger
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