Titeuf, c’est aussi pour les adultes

Comment je me vois le samedi soir depuis des mois

Le cinéma définit, d’après nos conceptions bien précises sur la chose (et un peu selon l’Académie française et son dictionnaire à jamais inachevé) un lieu de visionnage de films, ou par extension, l’industrie qui produit lesdites œuvres. Quand on songe au cinéma, on pense à Hollywood, aux strass, aux paillettes (ou à Christian Clavier, c’est selon). Les quelques intellos-cinéphiles dans notre entourage parleront de fictions asiatiques — mais étrangement peu de celles de Bollywood — ou de films de genre, voire des studios de Babelsberg. Les médias eux s’extasieront devant la rétrospective d’un.e obscur.e réalisateur.trice diffusée dans une petite salle parisienne ou s’interrogeront sur le fait que quelques actrices aient osé monter les marches de Cannes pieds nus. (Sérieusement, laissez les gens s’habiller comme iels veulent. S’il vous plait.) Mais personne ne vous parlera des séries de votre enfance.

Alors, théoriquement, l’article qui suit ne pourrait pas réellement entrer dans la sacro-sainte catégorie des « critiques de film », des rétrospectives ou même des comptes-rendus de festivals. (D’ailleurs, Unimix vous emmènera au FIFF cette année, ne ratez pas ça !)

Pourquoi ? Et bien parce que flûte ! Et aussi parce que, faute de pouvoir m’amuser en visionnant des nouvelles productions ou des classiques dans les salles obscures, j’ai recommencé à me nourrir visuellement et émotionnellement de dessins animés. (Paie ta déprime.)

C’est enfantin, peu développé intellectuellement, mais ça fait drôlement du bien.

Mesdames, Messieurs, voici une déclaration d’amour non sponsorisée à TFOU, CanalJ et Mabulle.

Les dessins animés de notre enfance : ces génériques inoubliables

On peut reprocher bien des choses aux génériques : trop longs, trop courts, entêtants ou au contraire, passablement moyens. Généralement, ils sont assez marquants, histoire que nos esprits ne puissent plus qu’assimiler une telle chanson à un tel film. On tente de donner une ambiance à ces sonorités qui devront alors nous laisser imaginer tendrement ce de quoi sera fait le film. Sincèrement, qui ne ressent pas un frisson en entendant un piano jouer ces quelques notes qui nous emmènent instantanément à Poudlard ? Ou n’assimile pas Hans Zimmerman à un gladiateur surprotéiné dans une arène en images de synthèse ? (Note qu’en vrai iels n’ont pas utilisé de fond vert pour le film.)

On a toustes vibré.e.s au moins une fois, et on vous voit, les fanatiques du Seigneur des Anneaux qui partent dans un délire quasi mystique sur May it be d’Enya.

S’il est admis de chantonner (ou plutôt massacrer — le commun des mortels étant plutôt de ce côté-là du lyrisme) Skyfall d’Adele, siffloter paisiblement qu’un jour vous serez le.a meilleur.e dresseur.euse de Pokémon vous fera passer, au mieux, pour un.e grand.e gamin.e, au pire, pour une personne potentiellement échapper d’Arkham.

Accepter que nous ayons tous et toutes gardé en nos mémoires un vague souvenir de ces musiques, c’est approuver que d’une certaine manière elles nous ont marqué.e.s. Un jour, l’enfant que nous étions s’est imaginé.e battant la campagne avec un cheptel de Carapuce ; et vous savez quoi ? C’est très bien !

Ces petites chansons de notre jeunesse nous trottent facilement dans la tête — elles débarquent d’ailleurs souvent sans crier gare (pendant un entretien d’embauche ou un cours de marketing) — et nous devons leur accorder un certain sens du rythme passablement captivant pour des marmots.

(On repassera pour les paroles dans certains cas, mais qu’est-ce que la poésie à 8 ans ?)

On peut même donner à certains thèmes musicaux un point particulier pour la capacité à promettre un dessin animé doux et rigolo avant de brutaliser nos espoirs enfantins avec des drames existentiels. Franchement, la chanson de Rémi sans famille, c’est de la publicité mensongère. On nous montre un bambin heureux qui court dans des nuages roses pleins de petites étincelles… Vous la sentez l’arnaque ?

Je suis sans famille.
Et je m’appelle Rémi
Et je me balade.
Avec tous mes amis.

Des mondes fantasmés mais des petit.e s aventuier.ère.s en devenir

Il faut cependant souligner que les dessins animés ont pu avoir tendance à présenter une vision de la société totalement déconnectée de la réalité. Dans ma lente, mais très claire régression télévisuelle (merci, le semi-confinement et le manque de contacts sociaux), il m’est souvent arrivé de m’offusquer des situations absurdes, voire totalement irréelles, dans lesquelles se retrouvent les personnages. Certes, les séries d’animation sont faites pour les enfants (et pas pour les adultes en quête de réconfort) et il est plus facile de faire croire au petit Mathéo, 7 ans, que les chats et les souris peuvent devenir proches qu’à des adultes. Mais nous devons tout de même souligner que certaines choses sont fondamentalement improbables et espérer que les enfants ne seront pas trop influencé.e.s par ce qu’iels voient à la télé. Florilèges :

  1. Dans Scooby-Doo, Sammy a toujours faim et est constamment victime d’hallucinations dues à sa consommation excessive de Scooby-snacks (fourrés à la drogue), mais ses ami.e.s ne semblent pas s’en inquiéter et le suivent sans souci dans ses délires. De même (et on ne va pas se mentir) dans la vraie vie, si un fantôme apparait dans le couloir de votre immeuble, vous fuyez. VRAIMENT. Vous ne partez pas chercher de quoi fabriquer un piège à ectoplasme pour finalement découvrir que votre concierge se déguise en mort-vivant pour récupérer le trésor enterrer dans la cave.
  2. À la fin de la série Marcelino pan et vino (attention, divulgâchage), le gamin meurt, emporté par le Christ crucifié qui prenait la poussière dans le grenier (personnellement je trouve ça très creepy). Pourtant, les seuls à avoir l’air un tantinet attristés sont les animaux de la forêt. Les moines s’en fichent, le prieur se contente de souligner que le jeune orphelin est allé rejoindre sa mère. MAIS UN PEU DE TRISTESSE, BON SANG. Croire à la résurrection le jour du Jugement dernier, d’accord, mais un tel manque de réaction, c’est particulièrement inquiétant.

Après, nous pourrions aussi insister sur le nombre assez gigantesque de dessins animés diffusés durant les émissions pour enfants qui ont tout pour attirer les petits (graphisme doux, couleurs chatoyantes), mais n’ont rien à faire dans les programmes qui leur sont dédiés.

Qui ? Qui est la personne totalement inconsciente qui s’est dit qu’Adventure Time était un bon dessin animé pour les mioches ?

Mais mis à part ces petites désillusions que l’âge adulte provoque face aux séances télé de notre jeunesse, il y avait tout de même de sacrées merveilles dans ces programmes et les moments de rêveries tout comme l’inspiration qu’ils nous offraient ne sont pas négligeables.

Qui n’a pas eu envie de faire de sa maison un palais pour petit.e.s pirates après un épisode de Fifi Brindacier ? Ou qui n’a pas transformé un carton de déménagement en vaisseau spatial pour rejoindre Albator dans les étoiles ?

Personnellement, je me souviens de deux dessins animés qui ont façonné mon imaginaire enfantin et qui aujourd’hui me replongent dans la douceur de mes samedis matin à l’école primaire. Je les regarde encore volontiers enroulée tel un sushi dans un plaid moelleux et pourrais même les pointer du doigt comme étant les facteurs déclenchants de ma passion pour l’histoire.

Dans les Mystérieuses cités d’or, on découvre les civilisations précolombiennes (avec un instant documentaire à la fin de chaque épisode). Certes, tout n’est pas exact ou crédible (comment Esteban, Zia et Tao parviennent-iels à communiquer ?) et les Olmèques ressemblent quand même drôlement à des personnages d’un « documentaire » sur History Channel après minuit.

Mais nous devons quand même donner un point à cette série pour nous permettre de visiter un autre continent et d’autres cultures que ce qui est usuellement présenté par les séries pour enfants et pour chercher à intéresser les plus jeunes à d’autres périodes historiques que le présent ou le temps des chevaliers.

Parlant de chevaliers, l’autre dessin animé qui m’a marqué est Rougemuraille. Basée sur les romans de l’anglais Brian Jacques, la série nous emmène dans un univers de fantasy animalière. Fleur-de-maïs, Matthias et leur fils Mattiméo vivent dans un Moyen Âge haut en couleur. Sans quitter le caractère enfantin de l’histoire (c’est un dessin animé avec des animaux en armure, tout de même), la série n’omet toutefois pas les côtés sombres de la vie et les personnages peuvent ainsi mourir à l’écran ou connaitre de graves accidents (la famille du héros a, par exemple, été tuée lors d’un incendie).

(Pour voir l’épisode 1, c’est par ici : https://www.youtube.com/watch?v=Qy6oM3NufpU)

(Après, il reste quand même l’énigme de Courage le chien froussard. Plutôt qu’une machine à rêve, ce programme était une vraie usine à cauchemar pour la poule mouillée que j’étais.)

Je pourrais écrire encore plusieurs paragraphes pour vanter l’importance des dessins animés pour les enfants comme pour les adultes, mais il me semble que cet article est déjà bien trop long et qu’il part, ma foi, dans tous les sens.

Je ne dirai plus que deux choses. La première, c’est qu’en ces temps de culture agonisante, si les dessins animés sont toujours un moyen pour les plus jeunes de découvrir le monde, ils sont actuellement, pour les grands, une manière de se reconnecter avec une part de leur être faite de rêves et de candeur, à défaut de vivre la catharsis du théâtre ou l’excitation du grand écran.

Et deuxièmement, sachez que quoi qu’il arrive, Albator veille sur la galaxie !

Anouck Fellay

Colportage interdit : interview de Daniel Duqué

Le 25 mai dernier, j’ai eu l’occasion d’assister à une projection de presse du dernier long-métrage de Daniel Duqué : Colportage interdit. Ce film m’ayant particulièrement plu, je lui ai consacré une chronique que vous pouvez retrouver sur notre Soundclound.

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Neptune Frost : La machine et le fantôme

Si je devais citer une de mes œuvres cinématographiques préférées, Ghost in the shell de Mamoru Oshii en ferait partie et quand je vis que parmi les film de la compétition officielle se trouvait un de ce genre d’origine Rwandaise, je fus tout naturellement curieux et, après le visionnage, quelques peu désenchanter.

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Titania, ou les rêveries de l’astronaute solitaire

En janvier dernier, Michaël Gay des Combes se trouvait au Nouveau Monde pour une résidence d’écriture organisée par l’Épître : une pièce vide, une semaine d’isolement, tout le temps du monde pour écrire. De-là est née Titania, création théâtrale jouée et présentée dans la petite pièce qui l’a accueilli durant une semaine. Retour sur ce voyage insolite avec Amélie Gyger.

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Mon père est une chanson de variété

Chère belle-maman,

J’ai été fort triste de ne pas t’avoir eue à mes côtés au théâtre Nuithonie pour assister à Mon père est une chanson de variété et j’imagine que ma peine est partagée. Mais ne t’en fais pas, sèche tes larmes car je vais te décrire quelle merveilleuse expérience ce spectacle était.

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FriScènes 2023 – Ici jouera Zarathoustra!

Un mariage entre théâtre et philosophie, ce ne serait pas la première fois que ça arrive… et pourtant, ce spectacle-là est un mélange bien particulier. Plongeons-nous dans une production théâtrale singulière qui explore Nietzsche à sa manière : après tout, pourquoi parler quand on a un corps que l’on peut mouvoir ?

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FriScènes 2022 – Playlist

Tout juste sorti.es des Teintureries, trois comédien.nes émergent.es, Aline Bonvin, Philippe Annoni et Jérémie Nicolet, se sont produit.es à Friscènes le 9 octobre. Leur spectacle Playlist a été sélectionné dans le cadre du Prix de la Relève suisse romande et créé spécialement pour le festival. Retour sur un spectacle musical.

Les comédien.es déposent des billes dans un bocal… mais pourquoi ? | Photo : Andreas Eggler

Le public entre. Sur scène, un piano, un bocal plein de billes : c’est tout. Ils sont trois, deux comédiens et une comédienne, vêtu.es de combinaisons semblables – l’un rouge, l’autre vert, la troisième bleue – en plein échauffement à vue. Les articulations craquent. Ça discute.

« – Quelle musique pour la fin du monde ? 
   – Sparkles, de Radwimps ! »

Ils jouent au « jeu de la musique ». L’un pose une question, les deux autres doivent répondre. Quelle musique pour ton enterrement ? Et pour ton mariage ? Et pour ton meilleur petit-déjeuner ? On débat, on se contredit et parfois on se retrouve. Le trio s’amuse, chauffe sa voix ; bruit de fond tandis que les gradins se remplissent. Puis le public se tait, et alors c’est le show : à fond la musique, les lumières multicolores et les chorégraphies.

La pièce est aussi construite sur des moments d’impro. | Photo : Andreas Eggler

L’idée est venue d’une musique en particulier, une musique qui en a amené une autre, puis une autre, et ainsi de suite… une Playlist autour de laquelle le spectacle s’est construit. On nous emmène, de manière frénétique, au travers des classiques de la chanson françaises, de J-Pop et des tubes iconiques des années 2000. Les comédien.es évoluent sur scène avec folie, dansent, lancent musique après musique, évoquent les rêves qui les relient et les émotions qui les remuent – avec en fil rouge, leurs souvenirs.

Car Playlist parle bien de ça, de musique et d’émotion. D’une musique qui peut, dans ses paroles et sa mélodie, faire écho en chacun de nous. Un écho qui rebondit différemment, qui mue et se construit, une réponse plurielle au départ d’un même son. Cette richesse, ils l’explorent, jouent avec et sollicitent même le public : si votre plus grand amour revenait, après que vous ayiez tiré un trait et continué votre route, s’il était là, sur votre pallier, et qu’il vous disait avoir tout quitté pour vous… quelle musique auriez-vous en tête ?

Le projet a été imaginé et créé lors d’une soirée entre amis. | Photo : Andreas Eggler

On est presque déçu que le spectacle ne dure pas plus longtemps, mais c’est que le jeu avec le public est intelligemment mené et le temps passe vite. Playlist est un spectacle drôle et touchant, qui provoque le rire et, l’air de rien, tout à la fin, nous touche en douceur. Une musique parle de tout, des moments de joie comme de tristesse ; elle peut évoquer le passé, les erreurs, les regrets. Les moments sombres qui, d’une manière ou d’une autre, nous ramèneront à ce qui nous rend humains, sans pour autant nous enlever l’espoir. Et ça, Playlist le retranscrit bien.

Retrouvez Aline Bonvin, Philippe Annoni et Jérémie Nicolet sur leurs réseaux.
Le résumé donné par Friscènes, c’est ici.
Il n’y a pas de prochaine date connue pour ce spectacle. L’actualité des comédiens et la poursuite de ce spectacle est à suivre.

Amélie Gyger

Alors on danse ?

C’est fini… c’est déjà fini… c’est peut-être fini, c’est May B !

C’est un peu par hasard que je me suis retrouvé le lundi 21 mars à Equilibre pour assister à May B, un spectacle de danse. Je ne m’attendais à rien et la surprise fut grande !

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Deux pièces pour le prix d’une ?

A force de déambuler, je me suis à nouveau retrouvé au théâtre ! C’était jeudi 31 mars à Nuithonie pour assister à une double représentation.

Po-Cheng Tsai est un chorégraphe taïwanais qui a remporté de nombreux concours et qui nous a présenté deux de ses pièces : Timeless et RAGE.

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