Poésie du Gérondif: retours d’un étudiant en linguistique

Le Théâtre des Osses présentait cette semaine la Poésie du gérondif dans le cadre de ses café littéraires. Joué par Benjamin Knobil, mis en scène par Michel Toman sur un texte de Jean-Pierre Minaudier, le spectacle nous propose de voir la grammaire de façon poétique. Quid?

Après une journée de révision pour mon examen de linguistique, quoi de mieux qu’un spectacle qui m’invite à rêver sur cette matière à priori repoussante. Alors on ne peut pas vraiment dire qu’il m’ait beaucoup aidé pour cerner les concepts de polyphonie, d’aspect, de mémoire discursive (matière d’examen), mais il aura eu le mérite (au combien plus illustre) de nous faire voyager dans le monde des langues.

C’est l’histoire de Jean-Pierre Minaudier, qui a la particularité étonnante de collectionner les livres de grammaires, de préférences pour les langues exotiques. Mais «ce n’est pas le tout de les accumuler ces livres, encore faut-il les lire». Et après les avoir lu, quoi? En fait, la base de sa fascination émerge de l’hypothèse Sapir-Whorf (du nom des deux linguistes à son origine) selon laquelle les différences entre les langues conduisent à des conceptions du monde différentes. Pour les citer directement: « Nous découpons la nature suivant les voies tracées par notre langue maternelle. Les catégories et les types que nous isolons dans le monde des phénomènes ne s’y trouvent pas tels quels, s’offrant d’emblée à la perception de l’observateur. Au contraire, le monde se présente à nous comme un flux caléidoscopique d’impressions que notre esprit doit d’abord organiser, et cela en grande partie grâce au système linguistique que nous avons assimilé. Nous procédons à une sorte de découpage méthodique de la nature, nous l’organisons en concepts, et nous lui attribuons telles significations en vertu d’une convention qui détermine notre vision du monde – convention reconnue par la communauté linguistique à laquelle nous appartenons et codifiées dans les structures de notre langue. Cette théorie s’oppose à celle de la grammaire universelle. Selon cette conception, toutes les langues ont la même structure sous-jacente, et celle-ci est innée chez l’homme. Les apparentes différences entre les langues sont superficielles et n’affectent pas les représentations mentales. En vertu de ce postulat, des linguistes ont cherché à retrouver une langue originelle, de laquelle découleraient toutes les autres. Une recherche que Jean-Pierre minaudier qualifie de « froide » en comparaison de l’aventure poétique de la diversité des langues et des visions du monde. Sans aucun doute, mais il me faut par honnêteté intellectuelle préciser qu’aujourd’hui la vision des linguistes est plus modérée, lui préférant une voie médiane: les langues mettent en forme et influencent les catégories de pensée, sans en être la source exclusive.

Toujours est-il que la diversité des langues donne le vertige: on estime aujourd’hui qu’entre 6000 et 7000 langues sont parlées dans le monde (« d’apès l’état de ma bibliothèque »). Hélas, la moitié de ces langues sont amenées à disparaître au cours du XXIe siècle – presque aussi promptement que les arrêts de bus TPF. Quelques chiffres qui font froid dans le dos:

  • 96 % des langues ne sont parlées que par 4 % de la population mondiale.
  • Plus de 90 % des contenus d’internet sont rédigés en seulement 12 langues.
  • 500 langues au moins sont parlées par moins de 100 locuteurs.

Dans un mouvement d’écologie des langues, les linguistes tentent de documenter le plus grand nombre possible de langues menacées (recueil de données, constitution de dictionnaire et de grammaire). Je vous invite à consulter le site sorosoro.org qui promeut cette écologie linguistique en rassemblant notamment des documents et médias sur les langues menacées. Je ne résiste pas à l’envie de vous partager la citation de Victor Segalen qui orne la bannière du site: « Augmenter notre faculté de percevoir le Divers, est-ce rétrécir notre personnalité ou l’enrichir ? Nul doute : c’est l’enrichir abondamment, de tout l’univers ».

Vous me direz « mais alors, qu’en est-il de cette poésie? Où en sont les vers que le spectacle nous exposait? » Pour le découvrir, je vous invite simplement à vous procurer le livre sur lequel le spectacle se base, nommé tout simplement Poésie du gérondif par Jean-Pierre Minaudier. Il saura bien mieux que moi vous en faire part. Mon objectif ici était d’apporter un modeste complément, de tirer un lien entre le spectacle et mes cours de linguistiques. Définitivement oui, la grammaire sait être poétique.

Sylvain Grangier

 

Crédit photo: Caroline Bruegger

Colportage interdit : interview de Daniel Duqué

Le 25 mai dernier, j’ai eu l’occasion d’assister à une projection de presse du dernier long-métrage de Daniel Duqué : Colportage interdit. Ce film m’ayant particulièrement plu, je lui ai consacré une chronique que vous pouvez retrouver sur notre Soundclound.

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Neptune Frost : La machine et le fantôme

Si je devais citer une de mes œuvres cinématographiques préférées, Ghost in the shell de Mamoru Oshii en ferait partie et quand je vis que parmi les film de la compétition officielle se trouvait un de ce genre d’origine Rwandaise, je fus tout naturellement curieux et, après le visionnage, quelques peu désenchanter.

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Titania, ou les rêveries de l’astronaute solitaire

En janvier dernier, Michaël Gay des Combes se trouvait au Nouveau Monde pour une résidence d’écriture organisée par l’Épître : une pièce vide, une semaine d’isolement, tout le temps du monde pour écrire. De-là est née Titania, création théâtrale jouée et présentée dans la petite pièce qui l’a accueilli durant une semaine. Retour sur ce voyage insolite avec Amélie Gyger.

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Mon père est une chanson de variété

Chère belle-maman,

J’ai été fort triste de ne pas t’avoir eue à mes côtés au théâtre Nuithonie pour assister à Mon père est une chanson de variété et j’imagine que ma peine est partagée. Mais ne t’en fais pas, sèche tes larmes car je vais te décrire quelle merveilleuse expérience ce spectacle était.

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FriScènes 2023 – Ici jouera Zarathoustra!

Un mariage entre théâtre et philosophie, ce ne serait pas la première fois que ça arrive… et pourtant, ce spectacle-là est un mélange bien particulier. Plongeons-nous dans une production théâtrale singulière qui explore Nietzsche à sa manière : après tout, pourquoi parler quand on a un corps que l’on peut mouvoir ?

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FriScènes 2022 – Playlist

Tout juste sorti.es des Teintureries, trois comédien.nes émergent.es, Aline Bonvin, Philippe Annoni et Jérémie Nicolet, se sont produit.es à Friscènes le 9 octobre. Leur spectacle Playlist a été sélectionné dans le cadre du Prix de la Relève suisse romande et créé spécialement pour le festival. Retour sur un spectacle musical.

Les comédien.es déposent des billes dans un bocal… mais pourquoi ? | Photo : Andreas Eggler

Le public entre. Sur scène, un piano, un bocal plein de billes : c’est tout. Ils sont trois, deux comédiens et une comédienne, vêtu.es de combinaisons semblables – l’un rouge, l’autre vert, la troisième bleue – en plein échauffement à vue. Les articulations craquent. Ça discute.

« – Quelle musique pour la fin du monde ? 
   – Sparkles, de Radwimps ! »

Ils jouent au « jeu de la musique ». L’un pose une question, les deux autres doivent répondre. Quelle musique pour ton enterrement ? Et pour ton mariage ? Et pour ton meilleur petit-déjeuner ? On débat, on se contredit et parfois on se retrouve. Le trio s’amuse, chauffe sa voix ; bruit de fond tandis que les gradins se remplissent. Puis le public se tait, et alors c’est le show : à fond la musique, les lumières multicolores et les chorégraphies.

La pièce est aussi construite sur des moments d’impro. | Photo : Andreas Eggler

L’idée est venue d’une musique en particulier, une musique qui en a amené une autre, puis une autre, et ainsi de suite… une Playlist autour de laquelle le spectacle s’est construit. On nous emmène, de manière frénétique, au travers des classiques de la chanson françaises, de J-Pop et des tubes iconiques des années 2000. Les comédien.es évoluent sur scène avec folie, dansent, lancent musique après musique, évoquent les rêves qui les relient et les émotions qui les remuent – avec en fil rouge, leurs souvenirs.

Car Playlist parle bien de ça, de musique et d’émotion. D’une musique qui peut, dans ses paroles et sa mélodie, faire écho en chacun de nous. Un écho qui rebondit différemment, qui mue et se construit, une réponse plurielle au départ d’un même son. Cette richesse, ils l’explorent, jouent avec et sollicitent même le public : si votre plus grand amour revenait, après que vous ayiez tiré un trait et continué votre route, s’il était là, sur votre pallier, et qu’il vous disait avoir tout quitté pour vous… quelle musique auriez-vous en tête ?

Le projet a été imaginé et créé lors d’une soirée entre amis. | Photo : Andreas Eggler

On est presque déçu que le spectacle ne dure pas plus longtemps, mais c’est que le jeu avec le public est intelligemment mené et le temps passe vite. Playlist est un spectacle drôle et touchant, qui provoque le rire et, l’air de rien, tout à la fin, nous touche en douceur. Une musique parle de tout, des moments de joie comme de tristesse ; elle peut évoquer le passé, les erreurs, les regrets. Les moments sombres qui, d’une manière ou d’une autre, nous ramèneront à ce qui nous rend humains, sans pour autant nous enlever l’espoir. Et ça, Playlist le retranscrit bien.

Retrouvez Aline Bonvin, Philippe Annoni et Jérémie Nicolet sur leurs réseaux.
Le résumé donné par Friscènes, c’est ici.
Il n’y a pas de prochaine date connue pour ce spectacle. L’actualité des comédiens et la poursuite de ce spectacle est à suivre.

Amélie Gyger

Alors on danse ?

C’est fini… c’est déjà fini… c’est peut-être fini, c’est May B !

C’est un peu par hasard que je me suis retrouvé le lundi 21 mars à Equilibre pour assister à May B, un spectacle de danse. Je ne m’attendais à rien et la surprise fut grande !

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Deux pièces pour le prix d’une ?

A force de déambuler, je me suis à nouveau retrouvé au théâtre ! C’était jeudi 31 mars à Nuithonie pour assister à une double représentation.

Po-Cheng Tsai est un chorégraphe taïwanais qui a remporté de nombreux concours et qui nous a présenté deux de ses pièces : Timeless et RAGE.

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